PAROLE D’EXPERT
Les droits de douane en question

Directeur de la gestion actions globales et thématiques
OFI INVEST ASSET MANAGEMENT
Les marchés ont clairement sanctionné les annonces du président américain. Les investisseurs s’attendaient à un relèvement des droits de douane mais leur surprise a été double : personne n’avait prévu que les montants des nouveaux tarifs seraient aussi élevés et tout le monde a été surpris par la méthode de calcul retenue par la Maison Blanche, qui ne semble pas obéir à une véritable rationalité. Ainsi, certains pays pourtant en déficit commercial avec les États-Unis se trouvent sanctionnés de taxes supplémentaires aux exportations. Á cela, il faut rajouter l’absence de réaction du Secrétaire d’État au Trésor, Scott Bessen, pourtant apprécié de Wall Street.
Cela a donné l’impression qu’il n’y avait personne dans l’entourage de Donald Trump capable de jouer le rôle de modérateur, de force de rappel. Le résultat a été un effondrement boursier généralisé avec des pertes de près de 4 000 milliards de dollars sur quelques séances début avril, et une détérioration de la liquidité sur le marché obligataire américain ayant entraîné une remontée des taux sur les obligations à 10 et 30 ans(1). C’est très certainement ce qui a conduit le Président américain à prononcer un moratoire de 90 jours sur ces droits de douane dès le 9 avril, ce qui a permis un net rebond des marchés par la suite. Un mois plus tard, les négociations entre les États-Unis et la Chine ont abouti à un accord de réduction des droits de douane sur les produits chinois de 145 % à 30 % pour une période de 90 jours à compter du 14 mai, tandis que Pékin a ramené à 10 % ses propres taxes douanières sur la plupart des produits américains.


La stratégie adoptée par Donald Trump, parfaitement expliquée dans son livre « The Art of the Deal »(2) consistant à frapper fort puis à négocier, s'inscrit dans la continuité de son style depuis plus de 30 ans. Toutefois, cette méthode semble aujourd'hui moins appréciée par Wall Street et Corporate America(3). Des chefs d'entreprise américaines, ainsi que certains membres du Congrès, se montrent critiques car ils craignent que ces mesures ne mènent à une hausse significative des prix, une détérioration des marges et éventuellement une hausse du chômage ou un début de récession. Parmi les membres du Congrès qui ont fait entendre leurs voix, on retrouve même des Républicains qui n’excluent pas de reprendre la main sur la négociation des tarifs. Et parmi les chefs d’entreprise, le patron de JP Morgan, Jamie Dimon, très écouté y compris dans le camp Trump est monté à deux reprises au créneau pour prédire un choc économique majeur marqué par une hausse de l’inflation et du chômage, pouvant aboutir à une remontée du taux de défaut(4) des particuliers. Ce sont des voix qui comptent et laissent espérer un retour à une approche moins brutale que celle dépeinte dans « The Art of the Deal ».
Les entreprises, y compris américaines, s'attendent globalement à être très impactées par l'application de tarifs douaniers plus élevés. Pour pallier cet impact, elles ont théoriquement plusieurs stratégies possibles : renégocier avec les fournisseurs pour obtenir de meilleurs prix leur permettant de réduire leurs coûts de production, optimiser l'échelle logistique, et dans une moindre mesure, répercuter les hausses de coûts sur le consommateur final. Sur ce dernier point, elles se sont vite retrouvées face à un dilemme : au départ, les chefs d’entreprise américains avaient indiqué qu’ils transfèreraient la hausse des tarifs des importations sur le consommateur final. Mais si nous devions retenir une hypothèse de 25 % de tarifs douaniers, ce n’est plus du tout le même enjeu qu’à +10 %. Nous estimons en effet les montants des importations aux États-Unis à 3,2 trillions de dollars. Cette hausse hypothétique des taxes douanières signifie donc près 700 milliards de dollars de fiscalité supplémentaire pour l'économie nord-américaine. Imaginons que cela soit répercuté intégralement sur les 130 millions de ménages américains, nous arrivons à une moyenne de 5 000 dollars de budget en moins par ménage par an. Il est donc évident que les entreprises ne pourront pas répercuter l’intégralité de ces hausses sur le prix de vente au consommateur. Elles devront en imputer une partie sur leurs marges. Ce qui pourrait aboutir à une conséquence directe, probablement sous-estimée à l’origine par l’équipe Trump : si les marges diminuent trop, les plans sociaux se multiplieront. Voilà probablement pourquoi son administration commence doucement à faire machine arrière.


- Conference Board : cet indice est basé sur une enquête mensuelle auprès de 5 000 ménages et est exprimé en points.
- Université du Michigan : cet indice est également exprimé en points et est basé sur des enquêtes mensuelles auprès des consommateurs.
Ce qui frappe aujourd’hui aux États-Unis, c’est la montée des incertitudes liées à la politique économique et liées au commerce mondial. Et ces incertitudes sont dans tous les cas parties pour durer. Cela se manifeste déjà par des décisions de décalage d’investissement de la part de certaines entreprises industrielles, le temps au moins de voir où la poussière retombera. Le consensus des analystes tablait jusqu’à présent sur une hausse de 8 % des bénéfices des sociétés américaines en 2025. Ce chiffre nous semble désormais caduc, même s’il nous est difficile de prévoir où se situeront les résultats de l’année en cours. Par ailleurs, si la consommation des ménages peut paraître à risque compte tenu des tarifs douaniers, la bonne surprise pourrait venir des investissements directs étrangers aux États-Unis, un certain nombre d’industries ayant déjà annoncé une augmentation des plans d’investissements sur le territoire américain dans le but de relocaliser des actifs de production. Le scénario du pire n’est donc pas forcément le plus probable selon nous, même si nous risquons de connaitre une volatilité(5) accrue dans les prochains mois.
Face à une volatilité marquée - avec des mouvements brutaux comme une baisse des marchés actions de 20 % en 24 heures, des mouvements jamais vus depuis la crise de 2008 - il est conseillé aux investisseurs de faire preuve de discipline. La meilleure tactique consiste à lisser les prix d'entrée en investissant régulièrement, afin d'atténuer les effets de la volatilité et d’éviter de chercher à attraper à tout prix le « point bas », ce qui est extrêmement difficile à faire même pour les professionnels.
Achevé de rédiger le 15/05/2025
(1) Les performances passes ne préjugent pas des performances futures.
(2) L’Art de la négociation.
(3) Les entreprises américaines.
(4) Le taux de défaut des particuliers est un indicateur financier qui mesure le pourcentage de prêts ou d'obligations qui ne sont pas remboursés à temps par les emprunteurs.
(5) Volatilité : correspond au calcul des amplitudes des variations du cours d’un actif financier. Plus la volatilité est élevée, plus l’investissement sera considéré comme risqué.
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