Placements : une opportunité rare sur les métaux ?

Intervention de Benjamin LOUVET, Gérant matières premières chez OFI AM, pour l'émission « Ça vaut le coup ! » sur Boursorama

Les cours actuels de métaux offrent-ils une opportunité d’achat ? La flambée des métaux est rattrapée depuis quelques semaines notamment par les confinements en Chine, les prix sont en recul de 15% par rapport à leur pic de début mars ; cela explique-t-il les cours de l’aluminium, du zinc, de l’étain ?

Effectivement, les craintes de confinement se sont confirmées, les problèmes d’approvisionnement et les ralentissements de l’activité économique ont entrainé moins de tension sur ce secteur et enfin, la hausse des prix oblige à plus de rationalité dans la consommation de ces métaux d’où la correction actuelle.

Le nickel, qui avait connu une flambée en mars à la suite d’un problème avec un acteur chinois et était retombé après la réouverture de ce marché à 33 000, est aujourd’hui aux alentours de 30 000.
La tension est toujours de mise : les stocks sont très bas et dès la reprise de l’activité économique, on pourrait se retrouver rapidement dans une situation de déficit dans un marché central pour réaliser notre transition énergétique.

Le cuivre, nécessaire pour cette transition, est présent dans tous les secteurs : dans les éoliennes (en fonction de leur taille, il faut entre 950 Kg et 5 tonnes de cuivre), les panneaux solaires, le réseau électrique, les chargeurs de batterie (il y a 4 fois plus de cuivre dans une voiture électrique que dans une voiture thermique)…
La chine absorbe 60% de l’offre mondiale et son activité ralentit avec les confinements. Il faut cependant que les prix se maintiennent à des niveaux élevés pour générer les investissements nécessaires dans l’outil productif. Nous consommons déjà beaucoup de ces métaux et la transition énergétique implique le passage d’une dépendance aux énergies fossiles à une dépendance aux métaux puisque nous ne fabriquons pas d’électricité avec du vent ou du soleil mais avec des convertisseurs essentiellement faits desdits métaux.

On les trouve partout dans le monde, le cuivre essentiellement en Amérique du Sud (le Chili est le plus gros producteur mondial), le nickel en Russie, en Indonésie, aux Philippines mais aussi en France (Eramet en Nouvelle-Calédonie) … mais les pays producteurs de ces métaux ne sont pas forcément ceux avec lesquels nous avons les meilleurs rapports. C’est un vrai sujet diplomatique ! Le rapport de Philippe Varin* pose la question de la sécurisation de la chaine de production si l’on veut réaliser notre transition énergétique.

Le FMI dit que le prix des 4 métaux indispensables à cette transition (lithium, cobalt, nickel et cuivre) devraient exploser d’ici 2030. Ce reflux sur le cours des métaux est une opportunité rare.

Une récente étude de l’université de Louvain répond à 2 questions :

  • La taille du réservoir : avons-nous assez de métaux pour réaliser cette transition ? Oui
  • La taille du robinet : à quelle vitesse pouvons-nous sortir de terre ces métaux ? C’est un vrai défi, il faut entre 5 et 7 ans dans le monde, 10 ans en Europe, pour ouvrir une nouvelle mine. Une fois que nous aurons une première génération d’éoliennes, de panneaux solaires, nous pourrons commencer le démantèlement, le recyclage et parvenir à une certaine autonomie, entrer dans un cercle vertueux mais comment gère-t-on les 10 prochaines années ? Dans ce contexte, le cours des métaux peut présenter une opportunité rare en termes de performance et de tendance, une des plus puissantes dans les années à venir.

On assiste à un tour de vis monétaire aux États-Unis, dont certains disent qu’il contribue au recul de ces métaux puisqu’il y a un arbitrage avec un rendement des obligations américaines notamment sur la dette souveraine américaine, qui devient à 3% plus attractif ; est ce que la classe d’actifs des métaux reste attractive avec ce contrecoup de 15% sur les cours ?

Nous qui gérons des produits sur ce thème au sein d’OFI AM en sommes convaincus. A très court terme, il peut y avoir un risque de baisse si l’on pense que les Banques Centrales peuvent continuer à monter les taux, beaucoup, sans inflation c’est-à-dire si les taux réels remontent. Les taux nominaux montent mais si l’inflation est là, les taux réels restent faibles et négatifs ; dans ce cas, les métaux constituent un bon investissement. A l’inverse si les taux montent avec une inflation qui se stabilise, on pourrait alors voir les cours souffrir davantage mais ce n’est pas notre scénario. Aujourd’hui la plupart des grands états sont très endettés, et si les taux d’intérêt réels remontaient, la charge de la dette deviendrait insupportable pour ces états. Nous pensons donc que les Banques Centrales devraient rester en dessous du niveau d’inflation pour garder des taux très bas et ainsi soutenir aussi les grands défis. Aujourd’hui, on investit 1 200 Mds$ par an dans le monde sur le système énergétique ; l’Agence Internationale à l’Energie dit que d’ici 2030, il faudra investir 4 200Mds$ donc si les taux d’intérêt sont trop élevés, la transition énergétique ne pourra pas être financée.

Les Banques Centrales étant contraintes par ces problèmes d’endettement et de financement, les métaux restent donc pour nous aujourd’hui une classe d’actifs très intéressante sur le repli dû à la remontée des taux qui fait « pricer » plutôt un recul de l’activité économique et donc un peu moins de besoins.

Les besoins sur les dix prochaines années sont colossaux. On parle de multiplier d’ici 2050 les besoins en lithium en Europe par 35, la consommation de cobalt par 4, celle de nickel par 2. Il va falloir que les prix montent si l’on veut mettre en place les mines nécessaires à cet approvisionnement.

* Investir dans la France de 2030 : remise au gouvernement du rapport Varin sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales et ouverture d’un appel à projets dédié. https://www.ecologie.gouv.fr/investir-dans-france-2030-remise-au-gouvernement-du-rapport-varin-sur-securisation