CAC 40 : vers la fin des PDG ?

Intervention de Loïc DESSAINT, Directeur Général de PROXINVEST, pour l'émission « Ça vaut le coup ! » sur Boursorama

Proxinvest

Aujourd’hui, le nombre de PDG du CAC 40 se réduit de plus en plus, de même que se généralise la dissociation des fonctions entre président et directeur général.

Les exemples dans l’actualité sont nombreux : l’an dernier, Danone, Bouygues, Air Liquide, L’Oréal ; début 2022, Antoine FREROT, PDG de Veolia, après son raid réussi sur Suez, a annoncé céder la direction générale au profit de son bras droit Estelle BRACHLIANOFF ; ce sera le cas aussi chez Orange...
Les États-Unis et la France sont les deux grands pays où l’on observe des PDG, c’est-à-dire des présidents de conseil d’administration qui occupent aussi la fonction de directeur général. En France, c’était même obligatoire jusqu’à loi NRE de 2001 ; aujourd’hui, seul un quart des entreprises du CAC40 ont un PDG, la dissociation devient la norme en France et dans de nombreux pays.
Les agences de conseil en vote, les investisseurs, les anglo-saxons la réclament. Au Royaume-Uni par exemple, les investisseurs ne comprennent pas notre modèle du PDG, c’est à dire qu’un dirigeant puisse se contrôler soi-même. La dissociation est donc mise en avant pour que le conseil d’administration ait un président et qu’il contrôle le chef d’entreprise (le directeur général) qui gère au jour le jour l’entreprise.

Cette dissociation des fonctions se fait souvent dans un contexte de transition managériale mais il faut distinguer

  • une transition pérenne…
    L’état actionnaire a par exemple été échaudé par le cas Carlos GHOSN chez Renault ; aujourd’hui Jean-Dominique SENARD est président du Conseil d’administration et Luca de MEO, directeur général.
    Idem chez Legrand, Danone, Engie et bientôt Orange
  • … d’une transition managériale
    L’ancien PDG reste président et passe la main à quelqu’un de plus jeune, un nouveau DG qui deviendra peut-être PDG dans quelques années.
    C’est le cas chez L’Oréal : Lindsay OWEN-JONES était PDG, il est resté Président quand Jean-Paul AGON est devenu DG. Jean-Paul AGON est devenu PDG, Nicolas HIERONIMUS vient d’être nommé DG et Jean-Paul AGON reste président.
    Il y a bien un processus de chaperonnage, d’accompagnement ; on surveille quelques années le nouveau DG qui deviendra PDG un jour… ou pas !
    Chez Danone par exemple, on est passé de Franck RIBOUD PDG jusqu’en 2014, à Emmanuel FABER DG, puis PDG à partir de 2017 puis en 2022, Danone revoit sa gouvernance.

Il est préférable que cette dissociation soit pérenne : le monde va très vite, les conseils d’administration travaillent beaucoup plus et de manière plus collective que quand le PDG, créé par le régime de Vichy dans les années 40, était le seul décisionnaire et responsable.
Le conseil d’administration donne les grandes orientations de la stratégie alors que la direction générale gère le quotidien de l’entreprise. Le président du conseil d’administration doit organiser les travaux du conseil, s’assurer du bon fonctionnement de la gouvernance, contrôler la direction et définir les grandes orientations stratégiques, qui dans les faits sont souvent proposés par la DG. La dissociation met le DG dans une situation où il doit rendre compte, on a donc moins de PDG omnipotents qui peuvent dériver comme Carlos GHOSN et Jean-Marie MESSIER, deux cas emblématiques.

Une relation de confiance nécessaire à la cohabitation du binôme PDG / DG
Il n’y a cependant aucune garantie que le binôme s’entende, il arrive que le président du conseil et son conseil d’administration décident de changer de dirigeant s’ils ne sont pas suffisamment alignés sur la vision stratégique de l’entreprise, et il peut aussi y avoir des problèmes de transmission.
Chez Scor, on a assisté à un revirement du choix du DG en seulement 6 mois, encore plus rapidement pour la nouvelle dirigeante d’Ipsos.
Le travail collectif est évidemment plus compliqué.

En matière de gouvernance, cette dissociation entre présidence du conseil d’administration et direction générale, quand elle est pérenne, va dans le bon sens : elle permet un travail plus collectif, le conseil d’administration peut jouer son rôle et chacun est sa place ! De même, la confiance envers le DG choisi est présente mais cela n’exclut pas le contrôle.