Total : faut-il dès maintenant sortir du secteur pétrolier ?
Sous la pression de leurs investisseurs et actionnaires, les groupes pétroliers sont de plus en plus amenés à revoir leur stratégie climatique pour répondre aux préoccupations environnementales et atteindre la neutralité carbone en 2050.
Dans la lignée de BP et de Shell, le pétrolier français Total, désormais appelé TotalEnergies, a tenu son Assemblée Générale le 28 mai dernier en soumettant pour la première fois sa stratégie de développement durable et de transition énergétique à ses actionnaires.
La stratégie climatique proposée par la Direction (« Say on Climate ») a très largement été validée avec un taux d’approbation de 92%. Pourtant, certains actionnaires minoritaires l’ont rejetée, la jugeant insuffisante pour limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C.
Un soutien massif des actionnaires et pourtant, un objectif climatique insuffisant…
Parmi les dix-sept résolutions soumises au vote par le Conseil d’Administration, la résolution quatorze formalisant l’ambition climatique de TotalEnergies a été sévèrement dénoncée par de nombreuses ONG et rejetée par quelques investisseurs français et européens parmi lesquels OFI Asset Management, la Banque Postale AM ou encore Meeschaert AM.
Des efforts fournis mais une ambition climatique trop timide…
Le groupe pétrolier est certainement mieux placé aujourd’hui qu’il ne l’était hier pour engager la transition vers un modèle énergétique décarboné. Il est toutefois impératif qu’il amplifie ses efforts et accélère la mise en place de mesures permettant une baisse significative en valeur absolue de ses émissions de scope 3 d’ici 2030. Cela ne sera possible sans un engagement à réduire la production d’énergies fossiles. Et aujourd’hui, OFI Asset Management se montre particulièrement inquiet au vu des projections à la hausse dans le secteur gazier et le développement de nouveaux projets pétroliers ou gaziers dans des zones sensibles comme en Afrique de l’Est ou en zone Arctique.
Un sentiment partagé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui a récemment dressé sa feuille de route dans laquelle elle préconise l’arrêt immédiat de tout nouveau projet d'exploration pétrolière ou gazière pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
Des mesures qu’aucun pétrolier ne met en œuvre aujourd’hui à court terme… TotalEnergies s’est par exemple engagé à réduire de 20% son empreinte carbone, une coupe insuffisante pour respecter l'Accord de Paris sur le climat qui requiert une réduction de 75% pour tenir la trajectoire des 2°C et de 90% pour arriver en dessous de ce seuil.
TotalEnergies, « major des énergies vertes » en 2030 ?
En cohérence avec ses propres engagements climatiques, OFI Asset Management a donc voté contre la résolution quatorze de TotalEnergies, en saluant toutefois les changements opérés par l’entreprise depuis quelques années en réponse à l’urgence climatique : voter contre une résolution ne signifie pas voter contre une entreprise.
Par sa décision, OFI AM a voulu accompagner le pétrolier dans sa transition énergétique puisqu’à terme, un titre qui n’améliorera pas suffisamment son empreinte carbone se verra exclue des portefeuilles. Aujourd’hui, les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) sont devenus déterminants pour de nombreux investisseurs dans l’évaluation des entreprises et leurs choix d’investissement. Une société comme TotalEnergies par exemple, dont la note environnementale (pilier « E ») va probablement être dégradée et qui a très récemment fait l’objet d’une controverse en Birmanie (pilier « S »), risque de voir son titre exclu de la majeure partie des portefeuilles.
Créer l’équilibre en compensant ses émissions par une séquestration de CO2 équivalente
Pour parvenir à la neutralité carbone, bon nombre d’entreprises font aujourd’hui appel à la compensation carbone. TotalEnergies a adopté ce procédé notamment à travers un programme de plantation d’arbres en République du Congo. OFI AM estime que ce système n’est pas la solution qui permettra l’accélération de la transition écologique et préfèrerait que le pétrolier se concentre davantage sur la réduction de ses émissions carbone en valeur absolue.
La transformation énergétique financée par les revenus pétroliers…
La transition énergétique ne pourra se faire sans la transformation des grandes compagnies pétrolières. Toutefois ce changement prendra du temps et se fera progressivement car les énergies renouvelables sont coûteuses à mettre en œuvre, d’où l’importance de ne pas arrêter dans l’immédiat les projets d’exploration pétrolière ou gazière qui génèrent les revenus nécessaires à leur financement.
Pourquoi rester investi dans une valeur dont la stratégie climatique est insatisfaisante ?
OFI Asset Management juge plus utile de conserver son rôle d’actionnaire qui lui permet de dialoguer avec la direction de l’entreprise afin de l’inciter à se mobiliser davantage, notamment pour le climat.
C’est d’ailleurs grâce aux dialogues avec l’ensemble de ses actionnaires que TotalEnergies a déjà fait l’effort de réduire son intensité carbone de 15% à 20%.
Actionnaire relativement important de TotalEnergies, OFI AM a décidé en septembre 2020 d’adopter une politique volontariste de réduction progressive de ses investissements dans les sociétés d’extraction de pétrole et de gaz non conventionnel, avec un objectif de ZÉRO investissement dans le pétrole d’ici 2050.
Cette réduction sera aussi rapide que possible, mais progressive afin d’assurer une transition juste, sans risquer une rupture économique. Et s’il n’est pas raisonnable d’envisager de faire sans les hydrocarbures, il faut agir au mieux, en veillant notamment à ce que le processus de production soit le plus respectueux possible de l’environnement et de l’homme. C’est en ce sens que depuis 2020, OFI AM exclue les acteurs réalisant plus de 10% de leur CA dans l’extraction du pétrole et gaz de schiste et des sables bitumineux et que dès 2025, le seuil de tolérance passera à 5%.
Alors, faut-il dès maintenant sortir du secteur pétrolier ?
D’un point de vue financier, le secteur pétrolier n’est pas fortement valorisé aujourd’hui et devrait offrir du rendement au cours des années à venir. Progressivement, l’aspect environnemental va prendre le dessus et inciter les investisseurs à sortir les titres concernés de leurs portefeuilles.
Dans l’immédiat, « couper les vivres » aux entreprises pétrolières n’est pas la solution pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
La pression doit être maintenue sur les différents acteurs du secteur en leur laissant toutefois la possibilité de dégager des liquidités.
Les Cash-Flows engendrés aujourd’hui représentent les investissements durables de demain…