Stratégie zéro Covid : un frein au rebond de la Bourse chinoise ?
Intervention de Jean-Marie MERCADAL, Directeur des stratégies d’investissement chez OFI, pour l'émission « Ça vaut le coup ! » sur Boursorama
Quel est l’impact de la stratégie chinoise zéro Covid sur le reste du monde ? Cette stratégie sanitaire semble de plus en plus contestée par une partie de la population et même par certains « apparatchik » chinois, qu’en est-il ?
Nous recevons beaucoup d’informations en provenance de Mainland China . Nous avons effectivement le sentiment qu’il y a une certaine forme de contestation de la part de la population, du fait d’une organisation précipitée et d’une mauvaise communication, mais aussi des tensions et des contestations larvées au sein des autorités chinoises au sujet de cette politique zéro Covid, très compliquée à mettre en œuvre du fait de la forte diffusion du variant Omicron et donc très impactante sur l’économie dans une année où le pouvoir avait réaffirmé un objectif de croissance ambitieux de 5 à 5,5%.
Il y a aujourd’hui en Chine presque 200M de personnes qui sont confinées ou semi-confinées. Les autorités de Shenzhen avaient décrété le confinement après une centaine de 100 cas, à Shangaï ils ont attendu qu’il y ait 6 000 cas, un délai trop long au regard de la rapidité de la diffusion. Il y avait 4 jours de confinement prévus, nous en sommes aujourd’hui à plus d’un mois sans en connaître l’issue. La politique zéro Covid est donc remise en question mais le gouvernement ne peut pas perdre la face au moment où le président Xi Jinping vise un 3e mandat. Il doit donc tenir jusqu’au 20e congrès du Parti Communiste Chinois en novembre et l’on sent qu’après cette vague, la politique zéro Covid sera progressivement et officieusement abandonnée car il devra alors tenir ses objectifs de 5% de croissance.
Or il y a un sérieux freinage de la croissance chinoise, côté demande et côté offre. Il y a un impact psychologique après les réformes qui ont lourdement pesé sur l’immobilier, sur le moral des jeunes qui ont vu les grands leaders des sociétés Internet mis sous pression, sur les jeunes diplômés chinois qui sont au chômage… Pour tenir les objectifs de croissance, il faudrait créer 900Mds de PNB, soit celui des Pays-Bas. Le gouvernement chinois a les moyens de le faire mais ne le fait pas car Shangaï, Pékin et quelques autres villes sont confrontées au confinement ; il ne souhaite donc pas stimuler l’économie maintenant. Shangaï c’est 4% du PIB chinois, le premier port de containers dans le monde, 20% de la production de voitures électriques… L’immobilier baisse aussi : le gouvernement demande aux gouvernements locaux de soutenir les programmes immobiliers inachevés du fait du grand nombre de promoteurs en faillite. Les actions en Bourse ont donc fortement baissé.
Cette stratégie zéro Covid a de multiples répercutions à la fois en interne avec une croissance entravée mais aussi sur le reste du monde avec des tensions sur les chaines d’approvisionnement, de valeurs, encore plus fortes aujourd’hui et sur tous les biens. Quand la Chine ralentit fortement, il y a un impact sur toute la chaine de production internationale.
La Bourse chinoise, déjà pénalisée depuis plusieurs mois, et encore plus récemment, est vraiment sous-valorisée par rapport aux autres grands indices boursiers mondiaux. Un jour cela rebondira mais nous ne savons pas quand ! Aujourd’hui, concernant les valorisations, nous avons un PE moyen de l’indice des valeurs cotées à Hong Kong inférieur à 10, les grandes valeurs technologiques chinoises ont un PE de 15 avec des croissances de bénéfice assez élevées. Il y aura certes des révisions à la baisse puisqu’il y a un ralentissement mais nous avons actuellement des flux de capitaux qui sortent car pour la première fois depuis longtemps, les taux 10 ans US (à 3,15) sont passés au-dessus des taux 10 ans chinois du fait du décalage de cycle monétaire en Chine et aux États-Unis. A cause des sorties de capitaux des investisseurs internationaux, le yuan a perdu 4/5% depuis quelques semaines.
Des sorties de capitaux, un manque de confiance, une situation politique délicate avec la situation en Russie qui se répercute un peu sur la Chine… Aujourd’hui, nous créons les conditions pour qu’un jour ce marché rebondisse très fortement car il s’agit d’une économie très importante. Nous avons aussi vu, avec les évènements en Russie, que les investisseurs internationaux ne vont certainement pas mettre leurs réserves de change uniquement en dollars. Il y aura un jour diversification des réserves de change des pays à l’international vers l’Euro et vers le RMB mais quand ? Peut-être un rebond à la fin de l’année, quand nous aurons plus d’éclaircissements politiques et après le 20e congrès.
Dans le plan stratégique Chine, il y a un volet très important sur l’économie verte. La Chine est aujourd’hui leader dans la production de batteries, l’éolien et le solaire s’y développent. Elle vise une neutralité Carbone en 2060, un objectif énorme dans un pays où la population souhaite vivre comme les Occidentaux (tourisme, automobile, consommation de viande…).
Nous apprécions les valeurs automobiles chinoises (d’ici 2030, 40% du parc automobile chinois sera électrique) et les obligations vertes (la Chine est leader des émissions d’obligations à impact écologique : reforestation, éolien...). Il y a presque 2 500 valeurs cotées en Chine et beaucoup d’entre elles vont investir dans ce secteur et dans le traitement de l’eau, secteur favorisé par les autorités et à la demande de la population mécontente de la pollution.