Pourquoi le verdissement de la finance doit passer à la vitesse supérieure !

Novethic

Novethic publie la 5e édition de son étude sur l’offre de fonds durables « Les limites des fonds verts en Europe ».

Il y est question des fonds verts, ceux qui ont une thématique environnementale (et non de l’ESG et du durable en général), une niche que l’on a vu progresser : 20 Mds€ dans la gestion d’actifs européenne en 2015, 202 Mds en juin 2021, le nombre de fonds a été multiplié par trois… Une croissance forte mais encore modeste et surtout en dessous de 2% des encours totaux de la gestion d’actifs en Europe.
Certes la dynamique est bonne puisqu’on part de zéro mais pour nous qui étudions les fonds investis dans des entreprises cotées, cela traduit deux phénomènes préoccupants :

  • Il est difficile aujourd’hui d’avoir une gestion très verte car il y a très peu d’entreprises éligibles (les pure player green) sur les marchés financiers, la croissance de ce marché est donc plutôt portée par la demande que par l’offre, on parle de « bulle verte ».
  • Les débats sans fin autour de la Taxonomie sensée définir ces activités vertes et la bonne santé actuelle des marchés qui ne sont pas encore « verts » font que tout le monde est assez attentiste.

Le marché traditionnel des fonds verts représente aujourd’hui 2/3 des encours des fonds verts ; en revanche, 1/3 des encours de notre étude sont des fonds indiciels bas carbone, une sélection d’entreprises tous secteurs confondus sur le critère de leur ambition en termes de réduction des émissions de CO2, alignée sur les accords de Paris*.

Ce phénomène est toutefois déjà pricé par les marchés : prenons l’exemple d’un fonds indiciel bas carbone aligné sur les accords de Paris avec l’indice de référence Paris-Aligned Benchmark, en pondérant différemment les entreprises du S&P500, on a une performance de 3,3 supérieure à celle du S&P500 qui est elle-même déjà très bonne. C’est un signal de marché important pour tous les investisseurs qui ne tiendraient pas compte de ce paramètre climatique et risqueraient donc de perdre l’occasion d’avoir une performance encore meilleure.

En revanche, les volumes colossaux mobilisés sur les marchés financiers sont investis sur l’économie telle qu’elle est aujourd’hui et ne servent pas encore à financer massivement la transformation de tous les secteurs pour qu’ils deviennent plus vertueux.

Les accords de Paris, les objectifs de développement durable, la régulation du green deal européen donnent le cadre environnemental, social… d’un modèle vers lequel aller, les investisseurs cherchent à rendre « climato friendly » leur portefeuille mais notre étude montre que cela reste aujourd’hui très théorique et que la réalité quantifiée de ce mouvement reste modeste.

C’est le cas du cimentier Holcim qui a développé une technologie verte… qui n’est pas encore demandée par ses clients.

L’éducation et la compréhension sont donc essentielles : si l’on comprend la règle de base qui est que le coût de l’inertie sera toujours beaucoup plus élevé que le coût de la transformation, on va forcément modifier sa stratégie.

Certes il y a une dynamique verte, il y a de plus en plus de fonds thématiques au sein de la gestion d’actifs, l’approche bas carbone est intéressante (même si elle est surreprésentée par les géants de la Tech qui ont des politiques de recours aux énergies renouvelables massives mais augmentent dans le même temps leurs besoins en énergies liés à la consommation des technologies numériques) mais se donne-t-on suffisamment les moyens de financer la transition et utilise-t-on l’argent des marchés financiers pour ça ?

Pour l’instant le mouvement est encore très timide, le verdissement des marchés financiers est encore trop embryonnaire pour délivrer la performance environnementale dont on a besoin et l’attractivité du cercle vertueux pas encore assez attractif.

* L’accord de Paris sur le climat est un traité international sur le réchauffement climatique adopté en 2015. Son objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5°C, par rapport au niveau préindustriel.