Les politiques des banques centrales sont-elles green ?

Depuis plusieurs décennies, la Réserve Fédérale Américaine (FED) et la Banque Centrale Européenne (BCE) interviennent toujours davantage pour soutenir l’économie des pays, notamment en temps de crise. Pour mener à bien leurs missions, elles ont fréquemment recours au mécanisme d’injection massive de liquidités dans l’économie afin de stimuler l'activité et de redresser le taux d'inflation.

La taille du bilan des banques centrales explose, une opportunité pour la transition énergétique ?

La FED voit son bilan atteindre plus de 7 500 milliards de dollars et la BCE accède à un nouveau record en dépassant 7 000 milliards d’euros.
Au vu de l’ampleur de ces chiffres, il est assez logique de se demander si les banques centrales, au travers de leurs nombreux achats d’actifs, ne pouvaient pas tenir compte de la transparence des entreprises en ce qui concerne les risques climatiques et orienter les flux financiers vers des actifs « verts » pour ainsi participer au financement de la transition énergétique.
Pour le moment, les banques centrales montrent un peu de réticence à cette idée car ce domaine qui leur est relativement nouveau s’étend au-delà de leur mandat et parvenir à un consensus sur leur rôle en matière de politique climatique n’est pas chose aisée.

La crise pandémique a entraîné une accélération de la transition énergétique, notamment en Europe, et les banques centrales réfléchissent à la manière de « verdir » leurs actions.

L'orientation des politiques monétaires vers la transition écologique

Au cours des grandes crises monétaires en zone Euro de 2008 et 2011, il aurait été impensable pour les banques centrales ne serait-ce que d’évoquer le sujet de la transition énergétique. Aujourd’hui, la prise de conscience est bien réelle et certains discours officiels font part des préoccupations liées à cet enjeu, notamment ceux tenus par la Banque d’Angleterre, pionnière et leader en la matière, et par la Banque de France qui a récemment adopté une position plus claire sur la question du changement climatique.

Certaines actions concrètes sont déjà entreprises. La Banque d'Angleterre a décidé de soumettre les acteurs économiques à des « stress tests climatiques » pour évaluer leur résilience face aux risques financiers liés au changement climatique : coût des chocs climatiques sur le bilan des assureurs, coût de la transition pour les acteurs du secteur automobile (alternatives de production), etc.

Le « verdissement » des politiques monétaires ne va-t-il pas éloigner les banques centrales de leurs missions premières ?

Il peut sembler étonnant d’impliquer les banques centrales dans les enjeux climatiques mais au vu des pertes financières que peuvent engendrer les dégâts causés par les phénomènes météorologiques extrêmes (préoccupation quotidienne des compagnies d’assurance) et des investissements nécessaires à apporter pour lutter contre le réchauffement climatique, celles-ci ne peuvent pas rester indifférentes et doivent se saisir du problème.
De plus, certaines études d’impact ont mis en lumière d’autres conséquences liées au dérèglement climatique qui menacent directement l'essor économique de nombreux pays, comme la baisse de productivité induite par des vagues de températures extrêmes de plus en plus fréquentes.

Tous ces impacts représentent des facteurs de déstabilisation économique qui rapprochent les banques centrales de leur mission première : la stabilité financière des pays.

Quelles actions les banques centrales peuvent-elles mettre en place pour lutter contre le réchauffement climatique ?

N’acheter que des émetteurs alignés sur les Accords de Paris : problématique de distorsion des marchés financiers
Ce type de sélection impliquerait l’établissement de normes définies au préalable et reviendrait à favoriser certains acteurs et à en pénaliser d’autres, raison pour laquelle les banques centrales font preuve de prudence. En effet, une telle action reviendrait à augmenter le prix du capital pour les actifs les plus émetteurs aujourd’hui, que ce soit en gaz à effet de serre (côté négatif) ou en dettes (émetteurs très présents sur le marché), et entraînerait potentiellement un impact économique.

Financer les Etats présentant des objectifs climat et des plans de transformation écologique
Ce plan d’actions est déjà mis en œuvre par les banques centrales puisqu’aujourd’hui, le discours des Etats est globalement aligné sur les Accords de Paris.

Un mouvement de transition écologique enclenché par l’ensemble des banques centrales pour un « verdissement » inexorable de leurs politiques monétaires

Ce mouvement commun doit être incitatif pour les entreprises. Celles qui resteront à l’écart de cette transition rencontreront tôt ou tard des difficultés de financement puisque les banques sont elles-mêmes concernées sur le côté « vert » de leurs investissements et des emprunts qu’elles accordent.

L’Europe a la chance d’être leader de ce phénomène, un temps d’avance qu’il va falloir conserver.

Sous l’impulsion des banques centrales, certains Etats ont adhéré à ce mouvement en instaurant la taxe carbone (donner un prix au carbone pour limiter les émissions de CO2) dont l’ambition doit être de financer l’investissement « vert » et aussi donner la capacité aux entreprises les plus démunies de se développer.