Les pétroliers doivent-ils faire coter en Bourse leurs filiales vertes ?

Intervention de Philippe KUBISA, associé responsable des marchés de capitaux chez PwC, pour l'émission « Ça vaut le coup ! » sur Boursorama

PwC

Soumis à une pression croissante de la part des investisseurs face aux enjeux du réchauffement climatique, certains acteurs européens du secteur de l’énergie envisagent d’introduire en Bourse leurs activités renouvelables alors que d’autres comme TotalEnergies ou Shell excluent pour le moment cette stratégie et préfèrent conserver un seul et unique groupe.

Le pétrolier italien ENI a annoncé en novembre dernier la cotation à Milan de sa filière d’énergie verte, une démarche qu’entend suivre son homologue espagnol Repsol. En effet, devant l’envolée boursière des énergies renouvelables, la vente de leurs activités responsables représente pour ces groupes pétroliers l’opportunité de bénéficier d'une meilleure valorisation et de lever des fonds pour le financement de leur transition énergétique.

L’énergie renouvelable est valorisée trois fois plus que l’énergie fossile !

La valorisation des producteurs d’énergies exclusivement renouvelables Ørsted (Danemark) et Neoen (France) tourne autour de 15 fois leur EBE (Excédent Brut d'Exploitation) alors que celle de groupes comme Shell ou TotalEnergies se monte à environ 5 fois leur EBE.

La scission des activités renouvelables permet de lever des fonds et de diminuer la dilution. Et surtout, cette opération va permettre d’attirer des investisseurs qui se détournent aujourd’hui du business traditionnel et de conserver ceux qui ont pris des engagements en matière de désinvestissement fossile.

La somme des parties est supérieure à la somme du tout (1 + 1 = 3).

Lorsqu’une seule et même division regroupe les énergies fossiles et les renouvelables, elle est valorisée 5 fois l’EBE alors que la scinder et externaliser l’une des activités va permettre de valoriser celle-ci trois fois plus.
C’est pour cette raison que les grands groupes pétroliers subissent actuellement beaucoup de pression de la part de certains investisseurs qui appellent à la réalisation d’une scission pour améliorer la performance de leurs actifs, tout en gardant le contrôle des filiales.

Malgré l’augmentation de la valorisation que pourrait entraîner l’introduction en Bourse de ces activités renouvelables, Patrick Pouyanné, Président-Directeur général de TotalEnergies, a pour le moment écarté cette possibilité et défend un modèle intégré pour l'entreprise, de même que Shell.
Ces groupes estiment que le développement de leur énergie verte ne peut-être optimale que si celle-ci est intégrée dans le groupe. D’autres majors adoptent une approche différente. L’avenir nous dira quel choix était le bon…
… Et l’histoire nous montre que rien n’est figé puisque le phénomène inverse s’est produit en 2011 quand le titre EDF Energies Nouvelles a été retiré de la Bourse et intégré au groupe EDF.

Produire de l’énergie verte nécessite de nombreux investissements.

Plus une entreprise détient du cash, plus elle a les moyens de financer elle-même sa transition énergétique. Dans ce cas, aucun intérêt pour elle de réaliser une scission à ce stade. En revanche, une entreprise à la trésorerie plus fragile a tout intérêt à choisir cette option pour attirer des investisseurs et obtenir du cash pour réaliser sa transition énergétique, tout en augmentant la valorisation de son groupe à l’instant T.

On assiste aujourd’hui à une réelle volonté de la part des actionnaires de pousser les pétroliers à scinder et faire coter en bourse leurs activités renouvelables. Un phénomène qui devrait perdurer…