Les épargnants sont-ils passés au vert ?
Les chiffres (Quantalys) de la collecte des fonds ISR / ESG dépassent largement celle des fonds qui ne sont pas estampillés ISR / ESG. Les épargnants sont-ils vraiment passés au vert ?
C’est en effet très frappant. Nous sommes passés d’une collecte sur ce type de fonds autour de 20 Mds€ jusqu’en 2018, à 180 Mds en 2020 et encore plus projetés en 2021. Nous avons même le sentiment que c’est ce qui porte la collecte, et que sans cet ISR nous n’aurions pas ces chiffres pour l’ensemble de l’épargne.
Ce virage vert de l’épargne patrimonial n’est pas un sentiment de marché, on peut le chiffrer.
Les grands investisseurs et sociétés de gestion ont été précurseurs de cette approche durable et responsable (aujourd’hui un certain nombre de particuliers sont eux aussi convaincus) en s’appuyant sur une règlementation qui joue aujourd’hui un rôle primordial dans la distribution de ces produits. Il s’agit de la loi PACTE* en France et de SFDR** (qui oblige à la classification de l’ensemble des supports d’épargne) pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Chacun des acteurs de la chaine de l’épargne à travers l’Europe doit donc dire si tel ou tel support se revendique comme susceptible de contribuer à une amélioration de l’environnement ou de la société, voire se consacre principalement à améliorer le climat ou l’environnement. Il existe une catégorie par défaut, à laquelle il sera difficile d’appartenir, qui rassemblera les produits qui n’œuvrent pas en ce sens. En créant une norme pour tous, la Directive aura pour effet d’encourager l’ensemble des acteurs à orienter massivement l’épargne vers ce type d’investissement responsable et durable.
La performance de ce type de gestion explique aussi l’engouement pour cette épargne.
Là encore, les comparaisons impressionnent : sur les 4 dernières années, le MSCI Europe SRI connait une surperformance annuelle de 50% par rapport à l’indice européen composé de valeurs non ISR. La même analyse appliquée à sur l’indice mondial fait ressortir une surperformance de 15%.
L’Europe a un peu d’avance sur le reste du monde dans le surplus qualitatif, chiffres à l’appui.
Quand vous investissez en utilisant des critères ESG, vous améliorez la qualité de votre portefeuille et dans la plupart des cas, sa caractéristique de croissance : vous aurez des valeurs de meilleure qualité qui traverseront mieux les crises boursières, on construit ainsi des portefeuilles qui comprennent de nombreuses valeurs de croissance et de bonne qualité. La question qui se pose naturellement est alors celle du prix payé pour cette croissance.
Oui, du fait de cette surperformance boursière, beaucoup d’entreprises « vertueuses » ne sont-elles pas surévaluées, voire hors de prix ?
C’est vrai pour quelques cas particuliers mais quand on regarde des indices plus larges, si on compare la cote ISR et la cote non spécifiquement ISR, le multiple de résultat qui est impliqué par le cours des actions dans leur ensemble est de 20 dans les 2 cas ! C’est surprenant mais il n’y a pas de prime observable lorsque l’on fait l’analyse sur un grand nombre de valeurs. C’est le cas au niveau européen ; si nous prenons l’indice mondial, il y a un petit écart de multiple mais pas d’ordre de grandeur et cela dépend aussi des secteurs et des sociétés, mais vous ne payez pas ces résultats beaucoup plus chers dans leur ensemble. Certaines valeurs, comme Tesla, sont très emblématiques et font beaucoup parler d’elles à la fois pour ce qu’elles représentent et pour leur parcours boursier. Tesla pourrait être un exemple d’investissement mais elle ne fait pas à elle seule un investissement diversifié et avant toute chose, il faut diversifier tout ce que l’on fait.
L’investisseur qui souhaite avoir une épargne plus responsable mais qui n’est pas un expert peut être inquiet face à la prolifération des offres ISR, les risques d’exagération sur le caractère durable des produits et la communication au sujet des changements réglementaires. Sur ces sujets, tout se met en place en ce moment et cela peut créer de la confusion. Mais c’est une bonne chose sur le plus long terme, et à ce titre il faut savoir que les fabricants de produits d’épargne auront probablement prochainement rendez-vous avec le superviseur lui-même : ce sera le rôle de l’AMF par exemple de vérifier que les engagements pris en matière de communication sur les produits d’investissement durable sont respectés.
Il n’y a pas qu’une seule façon d’investir plus responsable : vous pouvez investir par vous-même dans des produits labellisés ou déléguer ce type d’investissement à des experts à qui vous donnez un mandat de gestion (mandat de gestion pilotée dans l’assurance-vie, mandat de gestion en titres vifs dans le cadre d’un compte titres) mais vous pouvez aussi considérer que le monde est en train de changer, va dans le sens d’une transition énergétique, démographique, digitale et technologique et les produits thématiques vous orientent dans ce sens. Ils sont un peu moins diversifiés certes, il faut donc diversifier les thématiques, mais il y a souvent un recoupement entre la thématique et l’ISR. Ce sont donc deux façons d’arriver à des objectifs très proches.
Ce n’est pas très simple pour l’épargnant de s’y retrouver, le mieux est de faire appel à des conseils et là encore le régulateur a tout prévu : la loi PACTE va rendre obligatoire le devoir de conseil sur ces sujets à tous ceux qui distribuent de l’épargne à la fin de l’année 2022.