Le risque climatique peut-il impacter la performance ?
Le risque climatique, c’est quoi ?
C’est l’idée que les phénomènes liés au climat puissent conduire à l'érosion de la valeur des actifs au sein d’un portefeuille et compromettre la rentabilité de certains investissements.
En 2015, lors d’un discours sur la « tragédie des horizons », Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a été l’un des premiers à alerter le système économique sur son exposition aux risques climatiques dont il a énoncé une classification désormais mondialement reconnue, où se distinguent les risques physiques, les risques de transition, les risques de réputation ou judiciaires.
Les risques physiques (directement liés au changement climatique)
Les « risques physiques » sont les impacts financiers qui résultent des effets du changement climatique auxquels est notamment confronté le secteur des assurances.
- Les sinistres dus au dérèglement climatique coûtent de plus en plus cher aux assureurs. L’amplification et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresse, montée des eaux, tempête, …) multiplie le nombre de sinistres et augmente les indemnités à verser aux assurés.
- La valorisation des actifs détenus par les assureurs est à risque. A la suite d’événements climatiques, certaines entreprises peuvent perdre de la valeur et donc impacter le portefeuille des assureurs. Le cas s’est notamment produit en Thaïlande où des inondations ont créer une rupture de la chaîne de production automobile dans le monde (interruption des livraisons des boites de vitesse). Un autre exemple en Allemagne où une vague de sécheresse extrême a asséché le Rhin, obligeant une entreprise à mettre à l’arrêt sa production de matières premières, cette dernière ne pouvant être acheminée par transport fluvial. Un dommage chiffré à 100 millions d’euros.
L’impact physique est réel. Une montée du niveau des océans rendrait vulnérable les zones côtières où plus de 50% des habitants de la planète vivent et affecterait la valeur des unités de production établies dans des complexes portuaires.
Pour toutes les raisons évoquées précédemment, l’analyse financière est contrainte de s’adapter pour prendre en compte l’exposition des différentes entreprises aux risques physiques.
Les risques de transition (liés à la réaction des sociétés face à ces risques)
Les risques de transition sont les impacts financiers qui résultent des effets de la mise en œuvre d'un modèle économique bas-carbone sur les acteurs économiques.
La quantité de carbone contenue dans les réserves mondiales de combustibles fossiles est bien supérieure à la quantité maximale d'émissions estimée pour respecter l'objectif des 2° C. Ces réserves ne pourront donc pas être brulées car la planète ne le supportera pas. Une grande partie devra donc rester sous terre et ces réserves non exploitées vont faire s’effondrer la valeur de bon nombre d’entreprises du secteur.
Les gouvernements vont très certainement prendre des décisions pour stopper la production des énergies fossiles au moyen de lois et de réglementations sur le climat et, au vu de l’importance des compagnies pétrolières et énergéticiennes dans les grands indices européens et mondiaux, la valeur des investissements risque d’en souffrir violemment.
Les risques judiciaires
Les risques judiciaires sont les impacts qui résultent notamment d’un manque au devoir de vigilance face aux risques climatiques.
Pour illustrer ce risque, on peut citer la compagnie d’électricité de Californie, Pacific Gas & Electric (PG & E) reconnue responsable des incendies de forêt à cause de son réseau électrique défectueux et de ses négligences. Ecrasée par le montant des dommages réclamés, l’entreprise n’a pas eu d’autre choix que de se déclarer en faillite.
Le risque climatique dans la gestion financière
Il y a près de 30 ans maintenant, le système de crédits carbone (une unité correspondant à l’émission d’une tonne de CO2) a été développé dans le cadre du protocole de Kyoto afin de contraindre les entreprises signataires à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce système aurait pu s’avérer très efficace s’il avait été mis en place, comme prévu au départ, au niveau mondial mais seule l’Europe y a adhéré.
Le système de crédits carbone c’est donner un prix à l’air et obliger ceux qui le polluent à en payer le prix.
Concrètement, chaque entreprise se voit attribuer un certain nombre de crédits carbone qui correspondent à la quantité de CO2 qu’elle a le droit d’émettre. Si une entreprise, qui a réduit ses émissions, se retrouve avec un excédent de crédits, elle peut les vendre à une entreprise qui, à l’inverse, a dépassé son quota et souhaite acquérir un supplément d’émissions carbone.
Aujourd’hui, les prix du carbone (autour de 40 euros la tonne) obligent les pollueurs à faire l’acquisition de crédits carbone pour continuer leur activité. Et ce coût, l’analyse financière peut le prendre en compte dans la projection de différents scénarios de prix du carbone, de l’évolution du mix énergétique d’une entreprise ou de la qualité écologique des produits qu’elle propose, pour indiquer si la valorisation d’une entreprise est trop élevée compte tenu des prix du carbone. Si tel est le cas, le titre peut potentiellement sortir du portefeuille d’investissement ou ne plus être considéré comme une valeur à l’achat.
Le risque climatique, une opportunité pour les entreprises
Dans l’investissement responsable, les gérants et analystes financiers peuvent couper ou, au contraire, renchérir le coût de financement des entreprises qui ne mettent pas en place les mesures nécessaires pour adresser les questions liées au climat.
Le risque climatique peut ainsi devenir une opportunité pour les entreprises qui souhaitent se transformer et entrer dans des modes de productions moins impactant pour le climat. Le pétrolier danois Orsted en est une parfaite illustration puisque producteur d'énergie fossile (charbon/pétrole) à l’origine, il a réalisé une transformation radicale de son business model et s’impose aujourd’hui comme le leader mondial de l'éolien offshore.
Oui, le risque climatique peut impacter la performance !
Pour le moment, les données utilisées ne sont pas aussi précises que souhaité mais des évolutions réglementaires sont attendues pour faire en sorte que les entreprises déclarent avec davantage de transparence ce qu’elles font de bien – et de moins bien – pour le climat.
L’un des enjeux de la réglementation européenne en cours de déploiement porte sur la prise en compte des risques climatiques par les acteurs financiers dans leurs décisions d’investissement.