La transition énergétique est-elle inflationniste ?

Un contexte déjà inflationniste…

Jerome Powell (Président de la Réserve fédérale des États-Unis) l’a récemment confirmé en annonçant que ce contexte ne serait peut-être pas aussi transitoire que prévu, l’ensemble de la transition énergétique – dans la mesure où elle va apporter des mutations sur la production des métaux, sur la production et la consommation d’énergie par les entreprises et les particuliers – va engendrer des mutations qui peuvent être inflationnistes.

Deux points essentiels :

  • La vitesse à laquelle cette transition va avoir lieu
  • L’ampleur de l’ambition que l’on va vouloir atteindre

Actuellement, l’urgence climatique plaide pour une accélération de ce qui est en place par rapport aux trajectoires données par les recommandations du GIEC ou de l’AIE.

Aujourd’hui, la transition écologique n’est pas responsable du retour de l’inflation actuelle, elle est juste une répétition grandeur nature de ce qui se produire sur les années à venir. Après la réouverture post-Covid très rapide de nos économies, il y a des tensions sur les prix d’extraction, de production ou de consommation de l’énergie (matières premières carbonées et électricité). C’est l’illustration de la vitesse.

On a d’abord eu un redémarrage un peu compliqué sur les matières premières puis sur les produits semi-finis qui s’est transmis à la production et à la consommation d’énergie et qui arrive, à la fin de la chaine de production, avec des tensions naissantes sur les salaires et le retour à l’emploi. Nous pensons, comme les Banques Centrales, que ces tensions devraient s’apaiser à la fin du 1er ou au début du 2d trimestre 2022 avec la réorganisation progressive des chaines de production. En matière d’inflation, pour garder des taux aussi élevés, il faudrait que nous ayons tous les ans les mêmes augmentations que celles déjà observées. L’inflation restera élevée certes mais devrait donc baisser progressivement en dessous de 2 en Europe, entre 2 et 3 aux États-Unis sur le 2e trimestre.

… auquel il faut ajouter la transition énergétique

Plusieurs séquences vont s’enchaîner et l’ambition de la trajectoire de la décarbonation que l’on va s’imposer est essentielle. Nous allons passer d’une économie entièrement basée depuis le début du 20e siècle sur le carbone à une économie basée sur une production d’énergies principalement renouvelables. Les premières tensions vont rapidement apparaitre sur l’ensemble des prix des métaux qui vont servir à construire des éoliennes, des batteries électriques… et si l’on veut respecter les délais imposés par l’urgence climatique, il va falloir des infrastructures qui elles aussi vont créer des tensions sur les prix.
Il va donc y avoir une transmission progressive à l’ensemble de la chaine de production.

Enfin, l’ensemble des entreprises - via l’utilisation de l’énergie ou via leur mode de production - va devoir s’adapter et cela nécessite des investissements, au même moment et avec les mêmes ressources. On va aussi assister à de la destruction de capital et à des baisses d’investissements pour les activités industrielles entièrement tournées autour du charbon et du pétrole.
Mais globalement l’ensemble des mutations économiques va l’emporter et créer un choc inflationniste d’autant plus important qu’on voudra les faire rapidement.

Deux forces vont alors s’opposer et le prix de l’énergie et de l’électricité va augmenter.

Le pétrole est une énergie dense, moins chère à extraire que le bois et le charbon ; l’air et le soleil sont moins denses donc plus chers à transformer en électricité et en plus, ce sont des sources d’énergies intermittentes*. Autre problème : nous avons peu de possibilités de stockage et énormément de déperdition entre le stockage et le déstockage.
Il faut donc augmenter l’ensemble du système de production énergétique pour assurer sa continuité et donc structurellement, le prix de l’électricité sera plus élevé.

Le caractère inflationniste de la transition énergétique peut-elle la rendre impopulaire et donc moins acceptable ?
Il est fondamental que la transition énergétique soit juste pour être acceptable, elle ne doit pas grever le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes d’où l’accompagnement des États (ex : chèques essence) mais comment est-il financé ?

L’ensemble des plans de relance (750 Md au niveau européen, 2 000 Md sur 8 ans aux États-Unis), des injections du public pour entraîner le privé (donc des exigences de rentabilité qui vont tirer les prix à la hausse), du financement, de la dette publique… Avec le Covid, on a vu les vannes s’ouvrir avec une mécanique de « l’État dépense et la Banque Centrale finance » ; on va donc assister à des dépenses publiques majeures si l’on veut tenir les engagements de l’accord de Paris dans les délais.
Plus de dette publique donc mais pour qu’elle soit soutenable au niveau du budget des états, il faudra que les Banques Centrales maintiennent des taux assez bas pour éviter une hausse des impôts ou une baisse des dépenses sociales.

L’ensemble de cette transition nécessitera beaucoup de dépenses publiques dans la transformation comme dans le soutien des populations, les Banques Centrales maintiendront un service de la dette assez bas en maintenant des taux d’intérêt assez bas et ne pourront pas forcément lutter contre les tensions d’inflation que nous aurons notamment dans la première phase de transition, laissant cette inflation respirer dans les années qui viennent.

Comment les épargnant peuvent-ils se protéger contre cette possible inflation et comment investir, bénéficier et accompagner cette transition énergétique au travers de secteurs ou de valeurs ?

Sur la partie transition énergétique, si l’on va lentement, on peut avoir des hausses supplémentaires entre 0,2 et 0,3% structurellement d’inflation, si l’on se rapproche des accords de Paris, on pourrait être autour de 0,5 %, voire jusqu’à 1,5 % si l’on va sur une trajectoire 0 carbone horizon 2050. Cela reste raisonnable !
Si à cette partie transition énergétique vient se greffer une inflation sanitaire comme celle que nous connaissons aujourd’hui, il peut y avoir des effets d’accumulation.

Dans ce contexte, d’un point de vue sectoriel, il faut :

  • Éviter les secteurs et les entreprises consommant trop de carbone (à l’exception de celles qui sont en mutation dans ce secteur)
  • Exclure les entreprises très en retard
  • Privilégier la Clean Tech** et la Green Tech***(en restant prudent du fait des performances de 2020 et 2021) et surtout les fonds alignés sur des trajectoires en accord avec celles des accords de Paris, qui sélectionnent des entreprises qui créent de la valeur à travers cette transition, apportent des solutions via les progrès technologiques, les économies d’échelle…
* Sources de production d'énergie renouvelable correspondant à des flux naturels, qui ne sont pas disponibles en permanence et dont la disponibilité varie fortement sans possibilité de contrôle.
** Techniques et services industriels utilisant les ressources naturelles, l’énergie, l’eau, les matières premières dans une perspective d’amélioration importante de l’efficacité et de la productivité
*** Les entreprises de la GreenTech s’appuient sur la technologie et l’ingénierie de pointe pour réduire l’impact de l’Homme sur la Terre, pérenniser son existence en établissant un rapport sain avec son environnement et contrebalancer et pour réparer son empreinte nocive. https://www.forbes.fr/technologie/greentech-la-tech-pour-sauver-la-planete/