Des solutions digitales au service de l’ISR

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Devant la multitude de produits financiers étiquetés ESG, ISR, responsables, durables, il n’est pas simple aujourd’hui de démêler les vraies approches « responsables » des affichages purement marketing (greenwashing).
Un épargnant désireux de placer son argent de manière vertueuse doit se montrer vigilant et s’assurer que les placements qui lui sont proposés soient conformes aux stratégies annoncées. Il lui est donc recommandé de « lever le capot » des fonds dans lesquels il envisage d’investir pour être informé de la méthode de sélection de valeurs adoptée par les gérants et de la manière dont ils prennent en compte les critères ESG au sein de leur gestion.

La donnée extra-financière, c’est quoi ?

Les données extra-financières intègrent tous les éléments autres que les indicateurs financiers habituels que sont la rentabilité, le prix de l’action, les perspectives de croissance…. Elles concernent l’impact d’une entreprise dans le développement durable selon les critères ESG, c’est-à-dire les implications environnementales (volume de déchets, pourcentage de déchets recyclés, consommation énergétique totale ou renouvelable, …) et sociétales (taux d’absentéisme, budget formation alloué, …) de ses activités, ainsi que son mode de gouvernance (rémunération des dirigeants, nombre de femmes dans les comités exécutifs, …).
Ces informations extra-financières sont notamment disponibles dans les rapports RSE (Responsabilité Sociétale et Environnementale) des entreprises ou auprès des organisations non gouvernementales (ONG).

Vers une harmonisation des informations durables publiées par les entreprises

Contrairement aux données comptables et financières qui répondent à un processus d'audit et de standardisation, il n’existe à l’heure actuelle aucune norme systématiquement appliquée aux données ESG.
Pour répondre à cette problématique, la Commission Européenne a récemment présenté un nouveau projet de Corporate Sustainable Reporting Directive (CSRD) qui vise à établir un cadre européen pour les reporting ESG des émetteurs. Patrick de Cambourg, Président de l'Autorité des normes comptables, a notamment publié un rapport proposant une avancée décisive pour structurer le reporting extra-financier et apporter des garanties élevées de fiabilité et de pertinence, tout en offrant une comparabilité accrue. Il y énumère un certain nombre de recommandations dont la nécessité d’un audit des données ESG.

Aujourd’hui, la grande hétérogénéité dans les méthodes de collecte et de traitements des données ESG est à l’origine d’une importante variabilité des informations d’un fournisseur de données à l’autre ou entre émetteurs du même secteur. Pour exemple, dans le cadre d’une analyse de plusieurs sociétés d’un même secteur, à la question sur le montant alloué par employé sur le budget formation, certaines vont annoncer un résultat par pays, d’autres par division, … des résultats difficilement comparables qui nécessiteront des recherches complémentaires pour obtenir une base de données comparables et ainsi pouvoir juger les sociétés les unes par rapport aux autres.

Une mainmise anglo-saxonne sur les fournisseurs de données ESG indépendants européens

Au cours des cinq dernières années, la quasi-totalité des fournisseurs de données ESG sont progressivement passés sous le contrôle de grandes sociétés américaines d’analyse de données extra-financières et de notations : le néerlandais Sustainalytics a été racheté par Morningstar, l’agence de notation extra-financière française Vigeo Eiris par Moody’s, le britannique Trucost racheté par S&P Global, … La création de cet oligopole américain fait peser le risque d’une forte inflation des coûts pour l’accès à la données ESG ou à la notation.

La donnée brute
L’ensemble de ces acteurs américains fournissent initialement de la donnée brute financière dont le manque de fiabilité a déjà pu être constaté (variabilité de l’EBITDA entre les bases Bloomberg et Factset en raison d’un retraitement différent) alors comment ne pas s’interroger sur la qualité et la pertinence de leur offre de données extra‐financières, des informations bien plus complexes à collecter et à traiter.

La notation
Une étude menée par l’OCDE (fin 2019) conclue à une divergence des notations extra‐financières. La note attribuée à une entreprise peut varier en fonction de l’agence choisie. La société Amazon obtient par exemple la note de 82 sur 100 chez Thomson Reuters contre 30 chez Bloomberg. Ces différences de résultats peuvent s’expliquer par l'absence de consensus sur les critères d’évaluation appliqués. En effet, faute de standards officiels, les agences de notation s’appuient sur leur propre méthodologie d’analyse et n’allouent pas la même pondération à chacun des critères ESG. Autre exemple, celui de Tesla qui a obtenu la note de 60 par Sustainalytics (Morningstar) et de 10 par Robeco, une illustration parfaite de la disparité des approches adoptées par les agences en matière d’évaluation des entreprises. Dans ce cas précis, l’une s’attache à l’aspect « propre » du véhicule, l’autre aux métaux rares utilisés pour sa construction.

Le défi de la finance durable : donner accès à des données extra‐financières comparables et pertinentes

Aujourd’hui, disposer de données extra-financières fiables et pouvoir les analyser de manière efficace est devenu un défi de taille pour le monde de la finance. Dans cet objectif, la Commission Européenne a entrepris un important plan d’action, dont la création d’une Taxonomie Européenne qui doit permettre la comparabilité des instruments financiers durables et ainsi éviter « Greenwashing ».
De leurs côtés, les différentes parties prenantes travaillent conjointement pour proposer des informations de qualité et pertinentes aux investisseurs et gestionnaires de fonds.

Par ailleurs, beaucoup de solutions digitales sont également en train d’être mises en place, soit en interne par les sociétés de gestion, soit par le biais de Fintechs. Des outils d’Intelligence Artificielle vont permettre l’automatisation du processus de collecte des données (structurées ou non structurées), leur vérification et leur analyse. Ces développements vont décharger les analystes financiers de leurs tâches chronophages pour les laisser se concentrer sur des missions à plus fortes valeurs ajoutées, comme la prise de décision d’investissement.

Face à la complexité méthodologique de l’information extra-financière, il n’est pas toujours aisé pour les épargnants de détecter les fonds dont le degré de durabilité correspond à leurs attentes. Pour pallier cette problématique, il existe maintenant des plateformes digitales qui les accompagnent dans leur démarche d’investissement responsable. La start-up Epsor, par exemple, a mis en place ce type de dispositif pour accompagner les salariés des entreprises partenaires dans la gestion de leur épargne salariale.

Côté réglementaire, l’Autorité des Marchés Financiers a publié sa doctrine visant à informer les épargnants sur la réalité de la prise en compte des facteurs ESG dans la gestion et la place qui leur est réservée dans la communication aux investisseurs. Désormais, les fonds qui souhaitent mettre en avant les critères extra-financiers comme un élément central de communication (nom du fonds, document d'information, …) devront respecter les standards précisés par cette doctrine et justifier d’une approche fondée sur un engagement significatif.