Changement climatique : est-il trop tard pour éviter un cataclysme ?

Le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur L’Evolution du Climat) conclut dans son rapport publié le 9 aout 2021 que le réchauffement de la planète pourrait atteindre le seuil de +1,5° en 2030, soit avec 10 ans d’avance, mais ce n’est pas pire qu’attendu.

Ce que l’on observe depuis 30 ans faisait déjà l’objet de modélisation dans les années 80, l’intensification des évènements extrêmes faisait déjà l’objet du rapport du GIEC en 2012 et dans celui de 2018, on avait extrapolé ce qui était observé. Dans ce nouveau rapport, on réduit la plage d’incertitude, on devrait atteindre ce niveau de réchauffement dans les 20 prochaines années.

Chaque fraction de réchauffement supplémentaire compte, va entraîner des conséquences dans chaque région du monde et à très long terme. Si pendant 20 ans on agit pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, certes le réchauffement se poursuivra pendant quelques décennies, mais on en verrait les bénéfices, on pourrait limiter l’ampleur du réchauffement et les risques liés au climat.

Il faut agir ! L’évolution future du climat dépend de nos choix en termes de gaz à effet de serre dans les années à venir : si on agit de manière importante, maintenant et partout dans le monde, on verra les bénéfices sur la qualité de l’air, sur la composition de l’atmosphère en quelques années et l’effet sur le climat dans une vingtaine d’années.

Ces enjeux reposent sur des changements structurels et relèvent des stratégies des gouvernements, des entreprises, des collectivités locales et aussi des citoyens. Dans le monde, le premier facteur de GES est la production d’électricité, mais en France, elle est décarbonée, il y aura donc un autre enjeu : sur le territoire national par exemple, comment décarboner les transports (ils représentent 1/3 des rejets de GES) mais aussi l’industrie, le secteur des bâtiments, l’agriculture et l’alimentation. Dans chacun de ces domaines, il y a d’importants leviers d’action qui relèvent de ce que peuvent faire les citoyens, d’autres mis en place par les pouvoirs publics.

La France ne représente qu’1% des émissions de CO2 dans le monde, ce n’est pas un alibi pour ne pas agir !

Les Français ne représentent 0,8% de la population mondiale certes mais chaque Français rejette chaque année dans l’atmosphère 10 tonnes de CO2 (tous GES confondus) soit 30 % de plus que la moyenne mondiale. Même si notre électricité est décarbonée, notre empreinte carbone est dans les plus élevées du monde et si on regarde le cumul historique, la France est la 8e émetteur de dioxyde de carbone dans le monde depuis la révolution industrielle. Nous avons donc une responsabilité historique sur le climat tel qu’il change aujourd’hui. Enfin, nous sommes la 5e puissance économique mondiale, nous avons une capacité à agir : les entreprises qui vont être avantagées seront celles qui apporteront des solutions aux besoins des uns et des autres tout en réduisant leur empreinte environnementale et le fait de regarder ce qu’elles pèsent en termes d’émissions de GES ne doit pas être un frein à agir mais une motivation.

Le GIEC mobilise des centaines de chercheurs dans le monde qui, sans rémunération, vont passer en revue de manière critique l’état des connaissances sur la base des publications scientifiques, techniques et socio-économiques.

Cela participe à la maturation des connaissances scientifiques : les connaissances robustes résistent dans le temps à l’examen critique mais d’autres, émergentes, incomplètes ou imparfaites, suscitent des controverses, nécessitent d’être confirmées. Il faut parfois même donner la limite des connaissances. Ceci concourt à l’élaboration d’un rapport du GIEC, sur la base de deux piliers :

  • Quelles sont les attentes exprimées par les représentants de tous les pays ?
  • Quelles sont les connaissances scientifiques nouvelles ?

Ce n’est pas un cours sur le climat, plutôt une co-production basée sur l’examen des connaissances importantes pour agir :

  • Comprendre ce qui est à l’origine du changement climatique observé,
  • Fournir une information scientifique rigoureuse avec l’incertitude associée,
  • Connaître l’évolution du climat à l’échelle globale, sur une échelle de temps de quelques décennies à une centaine d’années, est essentiel pour prendre une décision et anticiper.

Ex : si vous gérez une infrastructure critique sur le littoral, vous devez savoir quelle sera l’ampleur de la montée du niveau des mers, quels seront les extrêmes de niveau marins les plus intenses et les plus fréquents pour agir maintenant et vous y préparer sinon vous allez avoir des pertes et des dommages et ne serez pas résilients.

L’information scientifique rigoureuse sur l’état du climat à venir, global et régional, est une demande exprimée dans tous les pays du monde, par les actuaires, les gestionnaires de risques, les assureurs et des acteurs de plus en plus nombreux dans la société.

Le rapport du GIEC est rédigé par des centaines de chercheurs et scientifiques, relu par des milliers d’experts de la communauté scientifique nommés par des gouvernements… c’est un mécanisme transparent, rigoureux, permettant de fournir cet état de connaissances, associé pour chaque conclusion à un niveau de confiance et traçable aux éléments scientifiques passés en revue et cette année le sujet le plus « chaud », c’est le niveau des mers !

C’est une conséquence directe de notre perturbation du bilan d’énergie de la terre : en rajoutant des GES, on piège de la chaleur qui ne part plus vers l’espace et entre à 90 % dans l’océan. Cela amortit le réchauffement en surface mais quand l’océan se réchauffe, il gonfle. Il y a donc des eaux de mers plus chaudes en surface qui plongent et vont ressortir dans une échelle de temps du millier d’années. Le réchauffement est tel qu’il est déjà là, irréversible, mais la montée du niveau des mers quand ces masses d’eau chaude entrent en profondeur est aussi irréversible dans une échelle de temps de siècles et milliers d’années. Les glaciers eux aussi réagissent quand l’air est plus chaud, reculent et s’ajoutent à la montée du niveau des mers. Enfin, l’Arctique se réchauffe 2 à 3 fois plus vite que la moyenne planétaire, ce qui entraine une augmentation en surface de la fonte du Groenland et l’océan près de l’Antarctique qui se réchauffe va lécher par en dessous des parties flottantes des glaces de l’Antarctique, c’est un peu comme un immense glacier qui dégouline sur l’océan, l’eau de mer plus chaude va fragiliser la partie flottante, et l’image que je vais donner c’est celle d’une bouteille de champagne couchée. Donc l’Antarctique est un énorme glacier sur un continent, une partie flottante, disons que c’est l’avancée de la bouteille de Champagne. Nous savons qu’il y a des secteurs instables en Antarctique mais on ne sait pas à quel niveau de réchauffement le bouchon de la bouteille peut sauter mais s’il saute, le Champagne s’écoule de manière irréversible, de la même manière si certaines plateformes de l’Antarctique s’amincissent et se disloquent, cela va entrainer un écoulement de glaces anciennes qui étaient à l’intérieur du continent pendant des échelles de temps de siècles à millénaires. L’incertitude d’un tel évènement est forte, la probabilité qu’un évènement de ce type se déclenche dans plusieurs secteurs de l’Antarctique est faible mais dans le cas contraire, le niveau des mers peut monter d’1 mètre sur un siècle soit 20 cm en plus d’ici à 2050. Cela va augmenter l’érosion des côtes sableuses et renforcer la fréquence des extrêmes de haut niveau marin.

Nos ouvrages de protection, l’écosystème côtier, l’agriculteur dans les zones de grand Delta se sont développés depuis des siècles avec un niveau des mers relativement stable ; cela a monté de 20 cm, cela accélère parce que le Groenland et l’Antarctique contribuent davantage depuis 30 ans, donc plus d’érosion, une entrée d’eau salée dans des aquifères côtiers et des enjeux pour l’eau douce, et le record de niveau marin une fois par siècle auparavant qui se produira à horizon 2050 20 à 30 fois plus fréquemment. Donc l’enjeu de la montée du niveau des mers n’est pas seulement une montée graduelle mais c’est plus d’anticiper ce qui va dépasser les ouvrages de protection existants. Compte tenu des infrastructures stratégiques des activités humaines sur le littoral, cela concernera 1 md de personnes en 2050.

Anticiper dès maintenant, à partir des connaissances actuelles à horizon 2050 / 2100, pour protéger par des ouvrages en dur ou par des écosystèmes côtiers renforcés, avancer sur la mer, mettre en sécurité les choses stratégiques, avoir des systèmes d’alertes ou planifier un repli stratégique.

Le réchauffement climatique en France, c’est déjà 1,9°, bien plus que la moyenne planétaire a 1,1° sur la dernière décennie, par rapport à 1900.

C’est aussi une augmentation disproportionnée des extrêmes chauds, plus de vapeurs d’eau donc des évènements de pluie extrêmes plus intenses et plus fréquents et des sécheresses propices aux incendies.

Ce sont des connaissances scientifiques, s’il vous plait utilisez-les !

Nous pourrons ainsi agir sur la façon dont ces évènements nous affectent, anticipons, gérons les risques, mettons en place des stratégies d’adaptation dans tous les secteurs d’activités. Les entreprises le font déjà car elles comprennent très clairement leur dépendance à des chaines de valeurs dans les différentes régions du monde et font des stress test climat pour renforcer la résilience de leur activité économique. Il en est de même pour les collectivités locales. Nous avons mis en place un atlas interactif pour chaque région du monde pour que le travail des scientifiques puisse être utile pour agir.

La finance a un rôle a jouer déterminant.

Les précédents rapports du GIEC ont montré l’enjeu à réorienter les financements hors des secteurs qui contribuent le plus à accentuer le réchauffement climatique (ex : les énergies fossiles) vers les secteurs d’activités porteurs de solutions (ex : l’efficacité énergétique). Le Fonds Monétaire International a mentionné 11 millions de subventions aux énergies fossiles par minute !

Si on investit dans des secteurs extrêmement polluants, le risque est multiple :

  • Risque physique d’un climat qui change et qui augmente.
  • Risques de transition : si vous mettez vos capitaux dans des secteurs d’activités qui vont se réduire à terme, vous avez des risques majeurs d’actifs échoués.

La finance commence à se les approprier mais s’il n’y a pas une action plus rapide, on risque d’inscrire par les investissements qui sont dans les tuyaux un réchauffement climatique supplémentaire.