Ces métaux critiques, nerf de la guerre de la transition énergétique ?

Intervention de Benjamin LOUVET, Gérant matières premières chez OFI AM, pour l'émission « Ça vaut le coup ! » sur Boursorama

Pour réussir notre transition énergétique, il va nous falloir une quantité de plus en plus importante de métaux critiques (lithium, cobalt, nickel, cuivre…) d’ici 2030. Les pouvoirs publics sont-ils déjà conscients de cette nécessité de sécuriser nos approvisionnements ? Après avoir si longtemps dépendu du pétrole, ne va-t-on pas maintenant dépendre de métaux que l’on ne fabrique pas chez nous ?

Depuis 2011, l’Union Européenne a une liste de métaux critiques, assez limitée au départ mais qui s’étoffe régulièrement. Il y a une vraie prise de conscience en France et en Europe.
Emmanuel MACRON, dans le plan France 2030, consacre 1 Md€ à la sécurisation de l’approvisionnement en métaux. Il a aussi demandé un rapport à Philippe VARIN, l’ancien patron de Peugeot-Citroën, dont les conclusions sont sans équivoque : le monde de demain sera sans carbone mais pas sans métaux et la dépendance de l’Europe a son approvisionnement en métaux est de 70 %, celle de la France 100%. Toujours à sa demande, les ministres de l’industrie de l’Union Européenne se sont récemment réunis.

Il suffit de comprendre qu’on ne fait pas de l’électricité avec du vent ou du soleil, mais avec un convertisseur qui va transformer leur énergie… et ce convertisseur est fait d’actifs réels !

  • Dans une éolienne, il y a entre 950 kg et 5 t de cuivre,
  • Dans une voiture électrique, il y a 4 fois plus de cuivre que dans une voiture thermique,
  • Dans un panneau solaire, il y a de l’argent,
  • Pour faire de l’hydrogène propre, il faut du platine…

Nous sommes effectivement conscients que nous transformons notre dépendance aux énergies fossiles en une dépendance aux métaux.
Aujourd’hui, 80 % de l’énergie mondiale vient de l’énergie fossile. En 1995, lors du Protocole de Kyoto, nous avons pris conscience de la nécessité de limiter nos émissions de CO2. Or depuis 1990, nous avons émis 50 % de toutes les émissions de CO2 émises depuis le début de l’ère industrielle ! Nous avons développé d’autres sources d’énergies certes, mais nos besoins en énergie étant de plus en plus grands, nous avons eu recours de plus en plus au fossile et si dans les années 70, 86 % de notre énergie primaire venait des énergies fossiles, aujourd’hui elles représentent encore 80% et nous devons le réduire à 0 en 30 ans, selon les engagements pris lors des Accords de Paris. Un travail énorme dans un délai très court, il faut donc accélérer !

Il faut de plus grandes quantités de métaux, comment éviter les pénuries, la flambée des cours ?
Prenons l’exemple des batteries au nickel qui permettent aux voitures électriques de parcourir les plus longues distances. Aujourd’hui, la production mondiale de nickel est de 2Mt, dont 1Mt de très haute qualité nécessaire pour la construction des batteries. Selon la Commission européenne, en 2040, il faudra 2,6Mt de nickel par an pour les seules voitures électriques, alors que 75 % du nickel est déjà utilisé pour faire de l’acier.
Aujourd’hui, il y a plusieurs sources (principalement la Russie) mais au-delà du problème de la quantité nécessaire, il y a aussi celui de la taille du robinet : à quelle vitesse va-t-on pouvoir mettre ce nickel sur le marché ? Il faut entre 5 et 7 ans au niveau mondial pour ouvrir une nouvelle mine donc si le prix des métaux monte vite, certaines mines, non rentables aujourd’hui du fait de leur concentration insuffisante en nickel, vont pouvoir être mises en activité mais il faut le faire rapidement pour répondre à la demande dans les dix prochaines années.

Mais le consommateur acceptera-t-il de payer plus cher sa voiture électrique si le prix des composants augmente ?
C’est le problème de l’acceptabilité sociale, évoquée régulièrement par Carlos TAVARES, le patron de Stellantis. Luca de Meo, Directeur général de Renault, annonce une parité d’ici 2025 mais avec la forte hausse du prix des métaux qui représentent 20% du prix d’une technologie bas carbone, la baisse de prix attendue du fait du gain technologique pourrait être annulée. Il faudra donc un soutien d’État.
Le Fonds Monétaire International a publié récemment sur ce sujet. Ils ont regardé la trajectoire probable des prix de quatre métaux indispensables à la transition : le lithium, le cobalt, le nickel et le cuivre et ils en concluent que d’ici 2030, c’est-à-dire dans 8 ans, les prix du lithium, du cobalt et du nickel « pourraient progresser de quelques centaines de pourcents » et le prix du cuivre d’au moins 60%... Et ces prévisions seraient assez conservatrices, ce qui signifie que les prix pourraient être encore plus haut ! Il va donc falloir s’habituer à payer une énergie plus chère.

Le recyclage est une solution, mais à moyen terme. Quand vous installez une éolienne qui nécessite 5t de cuivre, ce cuivre est bloqué pendant 30 à 40 ans, alors comment gérer les 5 à 10 prochaines années ?
Une des solutions est politique, il s’agit de la taxonomie qui consiste à orienter les investisseurs financiers vers les technologies nécessaires à la transition énergétique or le secteur minier n’y figure pas. On pourrait, comme on envisage de le faire pour le nucléaire et le gaz, l’intégrer dans la taxonomie en mettant des limites d’émissions de CO2 de façon à orienter les investissements dans ce secteur nécessaire à la transition énergétique.
La cohabitation fossile / renouvelable est difficile car nous avons commencé à contraindre l’offre de fossile alors que nous n’avons pas encore de solution alternative.

Le secteur minier, une opportunité de placement ?

Il y a sans doute un moyen de jouer gagnant / gagnant ; si la transition énergétique est un succès, nul doute que le prix de ces métaux s’appréciera.