Affaire DWS : attention aux fausses déclarations !

Novethic

DWS, filiale de la Deutsche Bank et premier gérant d’actifs allemand, est accusée d’avoir menti sur sa politique de finance verte. Elle est visée par des enquêtes aux États-Unis, notamment par la SEC (l’équivalent de l’AMF), et en Allemagne après une dénonciation de son ancienne responsable du développement durable. DWS aurait surévalué ses encours ESG.

De plus en plus de gérants d’actifs utilisent de l’analyse sur des critères ESG. La question est de savoir comment cette analyse est appliquée. Est-ce qu’elle joue un rôle important dans le processus de sélection ou est-ce un filtre généralisé mais dont on ne sait pas très bien ce que cela produit ?

On pourrait parler de repenti de la finance durable avec cette ex-employée qui a raconté aux grands journaux économiques américains les mauvaises pratiques de DWS. Le risque aujourd’hui est que les clients n’aient pas confiance dans les produits qu’on leur présente comme durables.

Cette affaire jette-t-elle l’opprobre sur tout le secteur ?

La France a une spécificité qui est une forme de garantie pour le client final avec un label public, porté par le ministère des Finances, qui atteste que les process ont été audités et vérifiés par un tiers externe. Ce phénomène répond à une demande de clients qui souhaitent investir dans des entreprises meilleures que les autres car elles proposent en plus d’une analyse financière traditionnelle une analyse extra financière sur le métier, sur les produits, sur les ressources humaines de l’entreprise. Mais tout cela n’est pas normé, chacun fait sa propre notation ESG et publie ses résultats.

DWS rejette ces allégations qu’elle qualifie d’infondées et il est difficile de lui laisser le bénéfice du doute car Deutsche Bank ne fait pas partie des bons élèves de la finance durable à qui on demande d’être crédibles et cohérents.

Les bons acteurs de la finance ont compris que le changement climatique, la perte de biodiversité… ont des impacts économiques et financiers et que si ces impacts sont quantifiés, évalués et analysés, cela participe forcément à construire des portefeuilles différents des grands indices traditionnels. Cela permet également de montrer des signes extérieurs de crédibilité de l’offre ESG.

C’est un avertissement pour l’industrie et pour les asset managers qui pratiquent le green washing.

En effet, c’est un avertissement pour ceux qui passent un vernis rapide. il va falloir démontrer que les produits sont effectivement durables, cela doit être une vraie stratégie de gestion, pas du Marketing.

Mesurer l’implication réelle des gestionnaires d’actifs en matière d’investissement responsable est presque une question politique au sens noble du terme.

L’ESG devrait être un élément de transformation du secteur financier destiné à réallouer massivement des encours à des entreprises qui transforment leurs modèles pour être bas carbone, basés sur l’économie circulaire, inclusifs…C’est cohérent pour des placements à long terme puisque ce seront les plus résilientes aux chocs environnementaux que nous commençons à subir. Comme les marchés se portent bien avec des entreprises qui en sont encore loin il est difficile aux gestionnaires d’actifs de réinventer un système dont ils sont les premiers bénéficiaires. Mais ils vont sans doute devoir pousser les curseurs un peu plus loin puisque si aujourd’hui certains clients veulent simplement « une couche » ESG, qui permet d’investir dans les entreprises les plus vertueuses de leurs secteurs. Mais d’autres investisseurs, de plus en plus nombreux, vont encore plus loin considérant qu’il y a de vrai risque à moyen/long terme, et qui veulent qu’on leur propose des entreprises qui adaptent leurs modèles aux transformations environnementales et sociales. Ils sont aussi attachés à des dimensions économiques et financières mais ont besoin d’indicateurs de performances environnementales et sociales en complément. Or cet ESG différenciant est assez peu disponible aujourd’hui car rares sont encore les entreprises qui investissent massivement dans des activités compatibles avec un référentiel vert exigeant.

L’UE a lancé en mars 2021 une règlementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure) sur le reporting des fonds qui doit aboutir à une classification plus normative mais qui laisse encore beaucoup de place à l’interprétation.

Les gérants ont auto-déclarés leurs fonds Article 8 ou 9 (prise en compte de critères ESG assez larges donc moins exigeants pour le premier, nécessité de donner des indicateurs de performances environnementale et sociale pour le 2e) mais pour l’instant, les exigences techniques ne sont pas encore publiées. Du coup cela donne une nouvelle couche de complexité pour le client final que cette classification en 8 et 9 peut laisser perplexe parce qu’il n’en comprend pas le sens.

Le mouvement amorcé depuis 2015 avait pour vocation, en réallouant les flux financiers, d’inciter fortement les entreprises à changer de modèle. Cela n’a pas fonctionné car l’idée de commencer par la régulation financière sur le reporting pour inciter les entreprises à changer de stratégie, de leur démontrer que cela sera financièrement intéressant à moyen/long terme ne fonctionne pas. Il faut cibler directement les entreprises.

Pour opérer ce changement, il y a 2 leviers :

  • La régulation sur les entreprises, à partir d’une règlementation au moins européenne.
  • La réalité économique. Quand vous êtes un industriel de la pêche et qu’il n’y a plus rien à pêcher, quand vous êtes dans des infrastructures submergées par les violentes inondations estivales, votre modèle économique est forcément très impacté ! Ce principe de réalité va être beaucoup plus décisif pour faire prendre conscience aux entreprises qu’il va falloir transformer leurs modèles économiques.

Y aura-t-il un avant et un après cette affaire DWS pour la finance verte ?

En France, l’AMF a publié en mars 2020 sa doctrine qui permet d’avoir des repères sur ce que l’on peut qualifier de finance durable « sérieuse » mais en Allemagne et aux États-Unis, nous sommes au début de l’émergence du phénomène. Les lignes bougent sous la pression des controverses amenées par les déclarations des « repentis » de la finance durable telle qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire de l’analyse ESG ++, mais qui finance un scenario business as usual amélioré.

Or l’urgence climatique et toutes les autres nécessitent que l’on accélère ce mouvement de transformation vers une transition bas carbone.